Writer, rédacteur, plume, écrivain.

Dans mes recherches interminables mais si agréables, j’ai commencé à lire On writers and writing de Margaret Atwood, la romancière autrice de La Servante Écarlate. Toute personne étant un temps soit peu connecté à l’actualité a entendu parler de cette dystopie adaptée en série audiovisuelle par Netflix. Mais Atwood a écrit bien d’autres choses, dont cet ouvrage qui est un format écrit d’une série de conférence qu’elle donna en l’an 2000 à l’université de Cambridge. Paru en 2002, il s’agit donc d’une revisite de ce cycle de présentations avec des éclaircissements et quelques remaniements de structures. Malheureusement, elle écrit elle-même avoir retiré la plupart de ses plaisanteries de la version publiée. J’ai d’ailleurs très envie de lire d’autres non-fiction de Margaret Atwood.

Dans ce livre initialement intitulé Negociating with the dead – j’adore ce titre -, elle commence le premier chapitre par « Who do you think you are? ». Cette simple phrase m’a faite réagir.

Tandis que les premières pages d’introduction listent les raisons pour lesquelles ceux qui écrivent, écrivent, je me suis sentie comme provoquée par cette interpellation. J’ai lu « Who do you think you are? » tout en lisant intérieurement « Who the duck do you think you are? ». Je ne pensais pas à un canard, mais j’ai aussi peur de la censure (non).

Comment en sommes-nous venus à apposer aux gens qui écrivent une forme de statut et surtout de classification ? Pendant que j’aimerais que nous profitions juste de ce que nous aimons faire et ce qui nous fait du bien, dans mon fantasme utopique, d’autres s’acharnent continuellement à construire une échelle de valeur. Comme si nous étions incapables de seulement percevoir une différence dans nos envies et aspiration ou vies du moment, sans vouloir se sentir supérieur ou inférieur aux autres. Est-ce que l’accélération et l’augmentation du volume de nos communications quotidiennes créent cela aussi ? Mes journées (un peu) solitaires durant lesquelles je suis centrée sur mes projets me forcent aussi à la solitude intellectuelle. Certes je ne suis loin de me couper des réseaux sociaux ou tout simplement de mes textos, mais je fais bien autre chose. Je lis, je griffonne, je converse principalement avec moi-même. Pas d’inquiétude, je sais très bien que ce « moi-même » est moi et j’ai bien conscience qu’il n’y a pas une autre personne dans ma tête, et que cette potentielle autre personne ne se trouve actuellement pas dans la même pièce que moi. Au cas où ma psychiatre lirait ces mots.

L’invective que me lança Margaret Atwood dans ma seule imagination me fit penser à cette conversation que j’ai eue avec Magali dans le podcast que j’ai enregistré avec elle. Nous avons notamment parlé des muses et de cette idées fantaisistes comme quoi la création était surtout issue de facteurs externes. On rencontrerait sa création un peu par hasard en faisant sa vaisselle ou en prenant son bain pour hurler un franc « Eurêka » digne des plus terribles tapages diurne. Dans son ouvrage Big Magic, Elizabeth Gilbert parle justement de ces muses et de cette nécessité de se laisser … inspirer par le pouvoir de la vie et de la destinée ? C’est une idée avec laquelle j’ai beaucoup de mal car je vois dans nos vies tellement de facteurs en raison desquels tout n’est pas si simple !

Et donc il y’ aurait cette histoire de noblesse de l’écriture. Si elle vient de muses et du divin, elle devrait peut-être devenir divine et sacrée aux yeux de tous. C’est sans doute pour cela que certaines personnes pourraient autant prendre la grosse tête à la moindre publication. Pas que je dénigre à mon tour l’idée d’être publiée, mais ma vision des coulisses et de la façon dont sont édités tous les contenus prints, audio ou numériques, m’invitent à être très franchement blasée par ce marché. Je remets sans doute trop facilement à leurs places chaque acteur de l’économie de la création dans son rôle mercantile, du créateur jusqu’à la distribution. Alors de mon côté, je vois les choses façon hyper pragmatique. Il est plus que probable que c’est pour cette raison que je ne vois pas du tout cette aspect magique dans l’écriture. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. J’adore cela et j’aime vraiment ce frisson et cette étincelle lorsque de nouvelles idées émergent. Et en même temps, je n’attribue à l’ensemble de ces idées aucun aspect divin ou génial. Je me dis simplement que c’est le résultats de croisements d’informations glanées au fur et à mesure que le temps passe, pour finalement faire naître de nouveaux résultats grâce à la compilation de ces données par mon petit cerveau. Le cerveau bien que je le trouve fascinant, je ne le trouve pas magique.

Puis il y a le format. Les personnes qui voient leurs créations distribuées sur des supports papiers sont-ils plus méritants que d’autres qui produisent des contenus en ligne ? La littérature serait-elle liée aux molécules qui composent le papier ? Du moins, je n’ai pas le souvenir que Jean-Paul Sartre en ait parlé ainsi dans Qu’est-ce que la littérature ? Oui, je cite Sartre, je suis comme ça. sans doute sommes-nous uniquement les héritiers d’une classification déjà plus que datée. Là où la tragédie est plus noble que la comédie. Là où la Comédie Française serait du vrai théâtre tandis que le vaudeville serait du vulgaire badinage.

Zut, encore une histoire d’élitisme ?

Comme dans ces comédies romantiques des années 2000 où un petit gars de la street arrive dans une école de danse, il est vu de haut mais à la fin du film, he got the girl et le respect de la part des professeurs ?


Ce billet a bénéficié d’un accès anticipé aux contributeurs de Niveau 2 sur la page Patreon Ecribouille.


Publié

dans

par

Étiquettes :