Comment j’ai surmonté ma peur de faire du vélo

Il y a plusieurs années maintenant, j’ai eu un petit accident de vélo. C’était un accident presque tristement banal, tant il risque de te sembler “classique” lorsque je vais te le narrer. Brièvement, je me suis prise la portière d’une voiture garée qui s’est soudainement ouverte. On ne va pas débattre de si j’aurais pu l’éviter, de pourquoi je roulais à ce moment précis aussi près des voitures, parce que si on pouvait faire exactement tout de façon optimisée dans la vraie vie, cela se saurait, cependant, cet accident particulier m’a marqué. Dans ce billet, je vais te raconter que c’est à cause d’une personne en particulier que j’ai eu peur de réellement remonter sur mon vélo. Mais je vais aussi te dire que c’est grâce à elle que je n’aurai plus peur.

C’était ma bicyclette pour aller bosser !

J’en ai fait des chutes, mais celle-ci fut différente

Chuter ce n’est pas très grave. On se relève vite, on dégage la route, on jète un petite coup d’œil pour voir si le vélo n’est pas trop abîmé, et on repart directement. Tomber, cela m’est arrivé de nombreuses fois et cela m’arrivera encore. Cela arrive, il suffit d’une fatigue, d’un terrain glissant… Lorsque j’ai vu la portière s’ouvrir devant moi, le temps s’est ralenti. J’ai vu le coin de la porte, j’ai constaté que j’étais trop proche pour me décaler, et je me suis laissée porter par la collision. Je suis passée par dessus la portière et ai atterri plusieurs mètres plus loin. De l’extérieur, je suppose que c’était impressionnant, mais je n’ai rien eu de grave entre autres grâce à mon casque qui a pris la chute au sol à la place de mon crâne J’avais des bleus et des plaies aux jambes et aussi au visage, là où l’arrête de la portière a percuté ma tête.
Mais j’ai surtout eu pas mal de chance, pas de fracture, juste un petit traumatisme crânien malgré le casque, qui m’a valu quelques jours dans le vague et des vomissements. Je ne roulais pourtant pas très vite, à 20 Km/h selon mon compteur.

Malveillance

La personne qui a ouvert la portière, je n’ai vu son visage que quelques jours plus tard après l’accident, lorsqu’elle est venue sur mon lieu de travail afin d’échanger sur le remplissage du constat à l’amiable. Ne faîtes jamais cela, demandez impérativement un PV d’accident*.
Cette personne, comme dans un geste de provocation, s’est garée sur une piste cyclable pour me parler, et a pointé du doigt un cycliste passant par là sur la route qu’il n’avait pas le droit d’être sur la route, qu’il était en contre-sens car il y avait une piste dans l’autre sens (alors qu’il était garé dessus). Il m’a même dit que je roulais en contre-sens avec mon vélo, imaginez-donc… et comme par hasard, n’avait pas voulu cocher tout de suite l’action “ouvrait une portière” sur le constat.
Je voulais avoir mon constat signé, j’ai donc ignoré au départ, puis après l’obtention de mon exemplaire, ai signalé son arrêt illégal sur la piste cyclable, que j’étais dans le bon sens, et que cela ne changeait rien par rapport à l’ouverture de porte. L’homme m’a alors lancé une autre provocation, en substance, que cela resterait ainsi, et qu’il continuerait à mépriser les cyclistes. Je me rappellerai toujours de ce sourire, celui d’un vainqueur sur une personne fragile, son sentiment de puissance était visible.

À ce moment, je me suis simplement sentie personnellement menacée. Par cet homme qui a signalé qu’il me voulait du mal, que je lui faisais perdre son temps, alors qu’il était concerné par ma situation. Il n’en avait rien à faire, ne s’est jamais inquiété de mon état de santé. Avoir peur du trafic, d’une chose organique que l’on ne contrôle pas est une chose, avoir peur pour soi, c’était différent.

*Digression : La police était présente pour constater les faits, il a été proposé un PV d’accident lorsque j’étais dans le camion des sapeurs pompiers de Paris, mais bizarrement, on revint vers moi après une conversation avec l’automobiliste, parce que “ah bon vous avez percuté la voiture ?” m’indiquant que je n’aurai pas de PV d’accident et qu’il faudra faire un constat. J’étais vraiment sonnée, dans un état vaseux, je me suis laissée porter par les secours, j’avais tout accepté. Sans ce PV, j’étais officiellement non blessée et en état de rentrer chez moi comme si de rien n’était, alors qu’on m’emmena aux urgences. Heureusement les sapeurs pompiers de Paris tiennent des registres qui m’ont permis de prouver le contraire.

Les mois qui ont suivi, j’ai peu à peu développé une anxiété sociale, voir même une phobie car à la moindre altercation banale avec une personne extérieure, je ne voulais plus me rendre dans le lieu où cela s’était passé. J’ai fondu en larmes au bureau de Poste car on me reprocha de ne pas déposer un chèque assez vite, je ne voulais plus aller au parc à côté de chez moi car une personne m’avait parlé de façon menaçante, bref, je ne vivais plus vraiment, je survivais dans un environnement dangereux et brutal.

J’ai alors décidé de prendre l’annuaire, et de chercher l’adresse d’un psychiatre.

Comment j’ai décidé de ne pas me laisser faire

Consulter un médecin, et plus particulièrement un médecin psychiatre, c’était déjà un pas. J’avais accepté que j’avais un problème, et que ma situation avait aussi une solution. J’ai donc parlé de mon accident de vélo, de ma part de sortir, de ne plus gérer correctement les rapports sociaux avec les étrangers, et le fait que je ne faisais plus de vélo. Or, je ne voulais pas me laisser faire. Je ne voulais pas que cet accident me bloque dans mon envie de rouler.

En tout, j’ai passé une bonne année sans presque rouler du tout. Les seuls trajets que j’ai pu faire, ou sorties réalisées, ont été très stressantes pour moi. J’avais alors changé mes trajets pour me rendre au bureau afin de passer par des zones désertes, et cela suscitait encore en moi une forte anxiété. Je me forçais alors à continuer à faire du vélo pour me remettre des évènements, mais j’étais dans un état de fuite et n’aimais pas cela.

Avec le psychiatre, nous avons alors entamé une thérapie d’EMDR. On parle d’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires. C’est une forme d’hypnose, on peut un peu dire cela, qui permet de balayer des faits traumatisants. On n’efface pas de souvenir, on détache la réaction émotionnelle et physique que l’on a par rapport à un évènement. La séance se passe par dialogue, mouvements oculaires… Si tu veux plus de renseignements, cette vidéo explique bien de quoi il s’agit.

Le problème n’était pas dans le vélo, mais vraiment dans la conversation avec l’automobiliste. Aujourd’hui, je repense à l’accident de vélo de façon réellement moins émotionnelle. Cela ne me fait pas plaisir d’en parler, et écrire ce billet n’est pas très agréable, mais je vais quand même bien. Lorsque j’aurai terminé, je sais que cela sera passé, et j’irai chercher mon pain sans problème.

Bienveillance

Autour de moi, j’ai des gens, je le crois, qui m’aiment, qui m’ont encourager à rouler, et qui m’ont poussé à ce que je profite du vélo. Rouler avec Camille de Mange tes légumes pour un Paris-Roubaix Challenge, côtoyer des groupes et des cyclistes gentils, préparer des week-ends de vélo pour visiter autrement nos belles régions… motivant non ?

Je n’ai pas à prendre sur moi la connerie des autres

Si l’on pouvait prévoir les accidents, ils n’arriveraient pas. Je ne pourrai jamais anéantir le risques d’accident. De la même manière, il y aura toujours des personnes complètement idiotes qui auront une malveillance envers un cycliste, juste parce qu’il est en vélo, même s’il s’arrête aux feux rouges et qu’il tend bien la main pour tourner. Cela, je n’y peux rien. Et j’ai accepté ce fait. J’ai un jour décidé, que les personnes qui sont comme celle que je t’ai décrite précédemment, je n’en avais rien à faire. Ils ne font pas partie de mon monde, je n’ai pas à leur plaire, ou à m’excuser auprès d’eux. J’aime faire du vélo, et j’en ferai.

Quand j’essaie de prendre un air sportif

Assurer soi-même sa sécurité

Je suis absolument contre la logique de casser des rétroviseurs ou de faire justice soi-même en général.

Pour assurer ma sécurité, je fais des choses qui vont te sembler banales, mais elles peuvent faire la différence.

Être visible

Cela passe par le fait de porter de vêtements qui se voient, et d’adapter ses choix selon la luminosité ambiante. Avoir des lumières en état de fonctionnement, et suffisamment visible et important. La petite lampe rouge bon marché que l’on voit parfois en magasin est souvent à peine perceptible en réalité à quelques mètres. Compte tenu des distances de freinage d’une automobile, c’est très souvent vraiment insuffisant. Mais être visible passe aussi par le fait de ne pas se cacher. On est censé rouler sur le côté, mais pas dans le caniveau non plus ! Buissons, angles morts, autres autos… autant de choses qui peuvent te cacher, alors regarde aussi bien par toi-même ce qui pourrait survenir.
Si une auto te colle de très près sur une route/rue étroite et qu’il n’y a pas du tout la place pour être dépassé, ne te colle pas sur la droite pour qu’elle te double au risque de créer une situation dangereuse. L’automobiliste attendra, en revanche, tu peux te ranger pour la laisser passer dès que cela est possible sans danger.

Un petit gilet bien fluo ne fait de mal à personne.

La priorité n’exclut ni le contrôle ni la vigilance

Être dans son droit ne veut pas dire que l’on a tous les droits. Je ne vois pas grand chose à rajouter.

Porter un casque

C’est pas cher, et c’est efficace. Je sais qu’il y a des personnes, surtout en ville, qui disent que le casque n’empêche pas les accidents et que cela peut encourager à faire n’importe quoi. Non, le casque n’empêche pas les accidents, mais ce n’est pas son but. Son seul objectif est de protéger la tête, et en ce sens, il fait un bon job.

Mon conseil pour ne pas avoir peur de pratiquer le cyclisme

Les cons, c’est pas ton problème. Fais du vélo, fais en bien, respecte les autres usagers de la route, fais attention à toi. 


[Photo d’en-tête par Nul en photo, réalisée dans le cadre du championnat de France de profondeur de cernes.]


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