La productivité, ce n’est vraiment pas un sujet facile. Surtout lorsque l’on se rend compte que notre propre façon de fonctionner évolue. Elle peut changer ou radicalement prendre un nouveau tournant. Cela dit, après de trop nombreuses années à tenter d’optimiser ma capacité à produire des choses utiles et génératrices de revenus, je réalise qu’il existe une constante contre laquelle je suis incapable de lutter. C’est sans doute même absolument impossible d’aller à contre-courant, tant il s’agit de quelque chose d’ancré : on ne peut pas changer de personnalité, on ne peut pas changer de fonctionnement cognitif.
Vous allez me dire que vous avez changé dans votre vie, ou que vous connaissez des personnes qui ont changé. Cependant, j’ai du mal à vraiment y croire. Je mets ça plutôt dans la case où ils ont changé d’avis et de points de vue sur certains sujets, mais cela ne change pas foncièrement le tempérament dont ils peuvent faire preuve. Si t’es colérique, si t’es timide, ou que t’as tendance à raconter un peu trop ta vie personnelle sur un blog, cela finira toujours pas revenir. Le reste, c’est plutôt du camouflage.
Ou alors, peut-être suis-je surtout hyper pessimiste, ou fataliste. Choisissez.
Plus les années passent, plus je me rends compte qu’il y a des choses que je n’arrive pas à changer chez moi. Malgré des lectures sur la productivité, le fonctionnement du cerveau, sa capacité à mémoriser, à apprendre, j’ai certes amélioré certains points. Cependant, il y a des choses qui sont immuables. Pendant ce temps, j’essaie d’automatiser plein de choses dans mon travail. En réalité, je ne pense pas tant à l’automatisation mais je mets plutôt dans une case tous ces éléments qui ne peuvent pas faire l’objet du développement d’un script. C’est la partie jus de cerveau et interprétation que je trouve la plus intéressante. Le reste, c’est du gain de temps pour dégrossir le travail. Pourtant ce gain de temps demeure nécessaire et de plus en plus intéressant pour plusieurs raisons :
- Cela permet de moins s’occuper de toutes les tâches rébarbatives et peu valorisantes.
- Cela laisse plus de temps et de loisirs pour réfléchir aux choses qui font plaisir.
- Cela permet d’économiser du temps et donc en garder pour s’autoriser à se tromper, revenir en arrière et changer d’avis.
Au début, je gardais l’illusion que toutes ces méthodes d’optimisation de sa productivité et de gain de temps allait me permettre de faire plus de choses, plus vite et sur une durée plus longue. Finalement, j’ai réalisé que c’était comme croire que de me racheter une nouvelle paire de Vibram Fivefingers allait soudainement me redonner le goût de la course à pied. Je me demande encore comment j’ai pu aimer ça un jour.
En réalité la réponse était déjà dans la question. Puisque si je raconte sans arrêt que le gain de temps a pour réel but de m’accorder un temps de réflexion plus qualitatif, j’ai fait la grande erreur de croire que je pouvais réduire la durée de mes projets. Malheureusement – et heureusement – tout ce que je trouve de plus intéressant demande un certain moment de réflexion. Cela n’est jamais instantané, du moins pas chez moi, et c’est toujours quand cela mûri doucement au fond de mon crâne que le résultat me satisfait le mieux.
Mes 33 maigres années d’expérience sur Terre m’ont permise de conclure ces quelques points :
- Je peux avoir des fulgurances où les idées vont très vite. Surtout, elles se connectent rapidement et je peux avoir l’air dans ces moments d’un genre de virtuose de la matière grise.
- Dans la même journée, je serai incapable de répondre à une question rapidement et je vais même m’agacer que l’on me demande d’émettre rapidement une conclusion alors que j’ai donné l’impression que j’en étais capable juste avant.
- Je peux dépiler rapidement des idées, mais la synthèse et l’aboutissement de tout cela me demande plus de temps.
- J’ai la capacité de penser à des projets et des idées en tâches de fond. C’est utile mais c’est aussi relativement usant, même épuisant par moment. C’est ça la mémoire vive ? Heureusement que le monde est composé de supports pour vider son cerveau comme les carnets, les applications mobiles et autres Notion.
- Il m’arrive d’être en total arrêt de réflexion, comme un mode veille, ça arrive environ n’importe quand et surtout si je suis fatiguée ou déstabilisée par une nouvelle idée à laquelle je ne m’attendais pas. Il faut la digérer. Je digère lentement. Y’a des cures de probiotiques pour les neurones ?
La vraie difficulté réside dans le besoin de communiquer cette façon de fonctionner et les délais dont j’aurais besoin pour mener une réflexion. C’est d’autant plus complexe que chacun a une idée toute relative de l’urgence. Ce qui va vite, ce qui est pressé, ce qui est prioritaire… ce n’est jamais la même chose en fonction de la personne en face. Aussi ai-je des difficultés à décrypter les intentions de mon interlocuteur et de comprendre le niveau de réactivité qu’il me demande. Si j’y arrivais mieux, sûrement réussirais-je également à adapter les choses en communiquant mieux à ce moment mon besoin de temps. Surtout lorsque la durée que j’estime nécessaire ne correspond pas aux attentes de cette personne. C’est complexe.
Autre sujet, j’ai totalement arrêté de croire ou de souhaiter que les autres personnes pouvaient fonctionner comme moi, ou que c’était nécessairement le cas. C’est même une idée très récente et pour en arriver là il a fallu que je doive manager des gens. Or, le fait de communiquer et de transmettre des idées à d’autres personnes pour qu’elles arrivent à suivre une ligne directrice (définie par moi) a nécessité une exploration de ma propre façon de penser les choses. La seule véritable conclusion de cette affaire : les gens sont tous différents, avec leurs propres histoires et leurs propres envies et objections. On n’y peut rien… et surtout pas moi.
Cela a amené un autre problème : je passe tellement de temps à essayer de m’adapter et à être tolérante vis-à-vis des fonctionnements des autres, que je ressens une frustration monumentale dès que je ressens que cet effort n’est pas fait pour moi. Renvoyez l’ascenseur bon sang, je suis si fatiguée. Pourtant cette histoire m’a apporté un véritable avantage pour le quotidien et la gestion de mes mécontentements. Puisque je ne peux pas changer les gens (j’en ai même pas envie), alors je lâche beaucoup plus facilement l’affaire pour passer à autre chose. C’est encore une fois de l’adaptation mais cela permet de faire le tri. Comme dirait un sage « choisis ton combat ».
À lire :
Y’a de l’affil, c’est la crise, pas de petit profit les p’tits potes.