Je dis ça, mais c’est quelque chose que je n’ai compris que très récemment. Bien que si nous y réfléchissons tous ensemble (plus ou moins fort), le discours que je vais tenir dans les lignes qui suivent était déjà présent dans mes communications professionnelles. Peut-être, n’était-ce juste pas aussi clairement formalisé qu’ici et sans aucun doute pas encore tout à fait assumé.
Le sujet de ce billet étant que j’ai une petite tendance à l’indignation. Parfois dans la vie, usée et fatiguée, je m’écrase et abandonne simplement devant une file d’attente trop longue où l’on a mélangé les personnes avec et sans rendez-vous. D’autres fois, je suis agacée, irritée et même franchement énervée. Je me mets à parler à haute voix et sans doute en débitant des mots un peu trop rapidement au sujet de choses que je trouve injustes dans la vie. D’ailleurs, c’est surtout quand je trouve la chose injuste pour d’autres personnes. Quand c’est pour moi, force est de constater que j’ai souvent besoin d’aide. Généralement, on me trouve un peu embêtante, mais ce sont aussi ces moments où l’on est souvent bien content que je donne mon avis. Tout simplement, car il faut parfois bien quelqu’un pour râler.
Voici quelque chose que j’ai réalisé il y a vraiment peu de temps. Pendant que l’on parle de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) depuis des années, je me sentais jusque là relativement éloignée du sujet. Je n’avais pas spécifiquement le sentiment de faire des économies d’impression en choisissant le mode « brouillon » dans une entreprise de moins de 10 salariés, et j’avais encore moins l’impression de participer à une économie vertueuse en montant une startup de l’économie sociale et solidaire (ESS). Un jour, on me demanda en appel d’offres de rédiger une note au sujet des engagements RSE de l’entreprise. Les critères d’achat faisaient qu’il fallait sélectionner des partenaires qui suivent une certaine éthique, environnementale ou économique ou sociale ou tout ce que vous voudrez. Vraiment, je n’avais aucune idée de quoi raconter. J’avais effectivement choisi l’ameublement du bureau pour que cela soit du bois massif avec une pensée écologique. Cependant je trouvais que c’était vraiment comme pisser sous la douche et commander un billet d’avion ensuite. Surtout, je ne le faisais pas exprès, donc pas dans une volonté RSE. Ce sont juste des façons de consommer que j’essaie de mettre en place et qui se voient dans quelques aspects de la gestion de l’entreprise. Quand soudain, j’ai réalisé que « RSE », c’était aussi et surtout le fait de valoriser ces choix afin d’encourager aussi d’autres personnes, et ainsi de suite. Tout d’un coup, j’ai considéré ma table en bois massif et mon petit bureau à domicile upcyclé de la même manière que le bac à compost de notre quartier. Ce n’est pas énorme, mais ça a le mérite d’exister et de se montrer pour que d’autres personnes aient aussi envie de faire ça.
Et puis j’ai continué à gamberger. Depuis que l’entreprise croît, ou bien que j’ai assumé qu’elle puisse croître, je rencontre de nouveaux discours et de nouveaux arguments à défendre. Nos prix ont largement augmenté depuis la fondation de la société. Je peux même dire que pour une des prestations, ils ont quadruplé. Les services ont bien évolué, ils sont bien différents et les projets visés sont largement plus coûteux à mettre en place. C’est logique. Une pincée d’inflation et d’acquisition d’expérience avec ça, les mathématiques ont fait leur job. Pourtant de façon étonnante, les benchmarks que l’on réalise continuellement (études de marché, ouais) nous confirment la grande pluralité de nos concurrents. Cela va vraiment de l’offre (très très) low cost jusqu’aux offres (très très) haut de gamme. Là-dedans, il faut se positionner. Ma philosophie a toujours été : il y aura toujours quelqu’un pour trouver que t’es trop ou pas assez cher(e), alors autant faire sa vie.
Pour déterminer des prix, j’ai finalement plutôt fait confiance aux mathématiques. Ironique, pour une dyscalculique. Seulement voilà, il y a une boîte à faire tourner et surtout à faire durer. Chaque bénéfice est un potentiel investissement dans des services à développer, à améliorer, des gens à récompenser, à accompagner, à former. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que je quittais un peu le monde du freelance pour devenir dirigeante. C’est fou, un peu.
Toute cette mise en situation pour vous raconter ces anecdotes qui prirent plusieurs formes au cours des derniers mois. Au sujet des tarifs. Il y a toujours des débats plus ou moins houleux au sujet des tarifs dans le domaine de la création de contenu. Autant de personnes qui trouvent que c’est de l’escroquerie que de payer autant chez des personnes aux prix dérisoires, que d’autres qui diront que si on vendait vraiment ça, on devrait être milliardaire au bout de 6 mois. La réalité étant que délivrer un service, c’est coûteux. Je ne parle même pas de niveau de qualité, j’évoque simplement le coût matériel, intellectuel (outils and co) et humain (temps, recrutement) que cela demande. C’est simplement tentaculaire, tout ce à quoi il faut penser. Pas d’inquiétude, j’arrive bientôt à la conclusion.
Et finalement, le positionnement sur le prix, oui c’est du marketing. C’est poser son prix et affirmer une certaine gamme de service, un certain niveau de prestation. Donner un prix, c’est aussi l’assumer en voulant être dans du low cost, du milieu de gamme, du haut de gamme, etc.
Enfin, le prix, c’est aussi choisir dans quelle économie l’on veut se placer. Certes, je n’ai pas monté une ESS et n’ai aucune volonté réelle de faire quoi que ce soit réellement solidaire à part peut-être espérer que l’on ait à un moment donné tant d’argent « en trop » que l’on puisse sponsoriser des associations d’intérêt public. Et pourtant… pourtant c’est bien moi qui ai parlé en conférences de conditions de travail, de rémunération, de formation, de valorisation des profils éditoriaux dans les secteurs de la Tech. Ce sont des sujets que j’ai proposés, que j’ai défendus et que je continue de poser dans chacune de mes interventions publiques. Et lorsque l’on m’a demandé ces derniers mois, plusieurs fois, pourquoi nous étions plus chers avec nos ressources internalisées qu’un énième site aux prix annoncés 5 fois inférieurs aux nôtres, je me suis surprise à répondre que c’était simplement que nous valorisions nos collaborateurs notamment avec des conditions de travail flexibles et une rémunération adaptée. C’est aussi se démener pour réussir à avoir des projets intéressants pour que l’on soit contents et satisfaits de réaliser des choses chouettes. Certes, il y a sûrement énormément de choses à faire encore chez nous pour améliorer cela. Mais nous avons des métiers cérébraux, un cerveau s’entretient. Cela coûte cher et ce coût est simplement répercuté sur le prix présenté au client. Il y a deux façons de voir les choses. D’une part, je pourrais dire que je valorise l’humain et que le bien-être de mes collaborateurs prime. D’autre part, je peux aussi déclarer avec sincérité que je n’ai pas envie de prendre le temps de m’occuper de personnes qui vont mal, car c’est compliqué à gérer et que cela me stresse que les gens soient malheureux. Encore une fois, pourquoi demanderais-je à des personnes de s’épuiser dans quelque chose de peu valorisant lorsqu’ils ont besoin d’avoir les neurones frais pour être efficaces et créatifs ? Donc je fais de mon mieux pour créer un environnement à peu près convenable. J’espère d’ailleurs que l’on me fera prochainement des retours sur de nouvelles choses à mettre en place.
La conclusion est là. Je n’ai pas monté une entreprise pour me sentir bien dans ma peau, pour un épanouissement personnel, par vocation entrepreneuriale, pour l’emploi du temps conciliant vie privée et vie professionnelle ou encore pour la richesse. J’ai surtout besoin de participer à une économie avec laquelle je me sens bien.
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