Les mauvais perdants du langage et l’alterité

Auparavant je pensais aimer la communication. Alors que je suis très mauvaise. Je me sens très mal à l’aise en groupe, au point où cela m’angoisse particulièrement de devoir m’insérer dans un groupe social dans une ambiance de détente. Ironiquement, je suis beaucoup plus à l’aise pour une interaction professionnelle même si elle doit se faire avec un micro.

Avec le temps, j’ai compris que ce qui me plaisait était le langage, les manières de communiquer et ce qu’on en faisait. Ma passion pour les images passe par là, en tant que moyen de communication comme un autre. Mais je crois que c’est aussi pour cela que j’aime dessiner, lire, écrire. J’apprécie les petits jeux et nuances que l’on peut rendre avec des éléments bien disposés, pour créer une cohésion et un ensemble qui transmet un message en particulier. C’en est au point que j’ai appelé mon boulot “Assonance”, comme cette figure de style poétique où on utilise la répétition des sons voyelles afin d’amener un rythme au phrasé.

Lorsque j’étais enfant, je me rappelle d’un moment où j’ai été punie parce que je ne disais pas “s’il-vous plaît” pour demander je ne sais plus quoi. C’était à l’école. J’étais obstinée à ne pas le dire, et on me demandait sans cesse de mentionner le mot magique. Mince, je suis gentille pourtant, je n’agresse personne, et j’ai besoin qu’on me rende service. Surtout que je me rappelle que j’avais été punie pour ne pas avoir su rendre service correctement, car je venais chercher quelque chose que le professeur me demandait d’aller prendre pour lui. Injustice !

Beaucoup plus tard, j’ai compris que le “s’il-vous plait” ne faisait pas partie de mon langage à cette époque. Dans le Cambodgien (ou le khmer si tu préfères), il n’y a pas de mot “s’il vous plaît” tout seul. En anglais et en allemand, il y a une notion de prière pour “please” et “bitte”. S’il vous plaît, ouvre quelque chose d’incertain, conditionnel, si j’ai envie. De mon côté, j’avais juste le sentiment qu’il fallait être gentil, demander gentiment, et que la politesse ne résidait pas dans un unique mot.

C’est drôle, comme le mot lui-même peut être un accessoire de non-sens, tout en étant riche de sens tout à fait habilement utilisé. C’est ainsi lorsque tu dis “s’il te plaît” alors que toute ta gestuelle et ton intonation indiquent l’inverse.

Le jour où j’ai eu conscience de tout cela, j’ai compris quelque part que mes difficultés étaient liées à la manière de communiquer les choses. Nous n’avons pas tous la même manière d’exprimer des émotions, des envies, ou encore des objectifs. Il est facile de faire, il est peut-être encore plus difficile d’informer qu’on a fait. Voyez bien les réseaux sociaux, je poste une fois tous les 2 mois un résumé de course à pied, les gens pensent que je suis marathonienne endurcie. Pics or it didn’t happen ! 

Il y a une part de naïveté en moi où j’ai envie que tout le monde soit gentil. Aimez-vous les uns les autres bordel. On parle d’ouverture d’esprit, mais pour quoi faire ? Peut-être, est-ce pour réussir à décoder derrière d’autres habitudes de vie, une autre langue, une autre gestuelle et une autre manière de poser sa voix, qu’on ressent la même chose.

Avoir peur de l’autre, c’est peut-être être un mauvais perdant du langage.


Publié

dans

,

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire