Cette semaine j’ai mis à jour comme j’ai pu mon profil LinkedIn, en me disant que cela serait utile. Pour le mercato, comme dirait David, mais aussi parce que plusieurs choses ont changé ces derniers mois. Je me suis résolu à indiquer que je ne donnais plus de cours à l’École nationale des chartes, ENC, comme ils disent. Je n’y ai pas pensé tant d’heures. J’ai traîné rapidement dans les couloirs, j’ai appris à maîtriser le rétroprojecteur et j’ai apprécié manger des ramens et des okonomiyakis les jours où je m’y déplaçais. Je vous ai parlé des takoyakis ? Avant de démarrer réellement ce billet, j’aimerais remercier très chaleureusement Thibault Clérice que j’ai connu il y a une bonne décennie grâce à nos passions communes. C’est une des rares et précieuses personnes avec qui j’ai gardé le contact depuis mes premiers pas sur le Web et mes premières lignes de HTML apprises sur le Site du Zéro. J’ai toujours trouvé Thibault très impressionnant pour sa capacité d’apprentissage, de sujets éminemment complexes, sa capacité à être très souvent en avance sur son temps. J’ai retrouvé Thibault après ma licence lorsque je suis revenue à Paris pour mes études. Nous nous sommes de nouveau reconnus dans notre goût pour les bons mots en discutant des Épigrammes de Martial. Encore plus tard, il s’avérait que nous nous sommes intéressés à peu près à la même époque aux digital humanities. Tandis que je me suis dirigée vers les voies du capitalisme en continuant dans la branche du marketing, lui a eu un parcours qui ne le mérite pas. Entre le King’s College de Londres et l’École des chartes, cet homme a de quoi nous faire de l’ombre à tous. Même à Londres, à Paris, ou ailleurs, j’ai toujours pu recroiser Thibault dans ma vie, et j’espère que ces rencontres fortuites vont encore durer bien des décennies. Alors merci Thibault pour tout ce que tu fais, d’être un ami et pour ce que tu fais pour la recherche, les humanités, les humanités numériques, et la connaissance que nous créons chaque jour.
Mettre en perspective ses compétences et ses acquis
Enseigner auprès d’étudiants en Master 2, c’est plutôt agréable. Surtout ici. Je suis devant un petit groupe qui a l’air intéressé et ceux qui ne le sont pas sont assez polis pour que cela ne se voit pas (trop). J’ai toujours apprécié ces heures devant les étudiants, et pour plusieurs raisons. La première est le fait que ce ne sont pas des clients. Ils ne sont pas là pour apprendre quelque chose qui va révolutionner nécessairement leur année, ni espérer de moi que je leur permette de si bons résultats, qu’ils puissent négocier des primes par la suite. Non, nous sommes là que pour parler de référencement naturel. (Nul, quelque part)
Je donnais en effet des cours intitulés « référencement naturel » que j’ai orienté à ma façon pour l’adapter au Master Technologies numériques appliquées à l’histoire. Pour moi le but n’était certainement pas de faire de ces étudiants des experts en SEO. Nous n’avions dans tous les cas pas assez de temps pour cela. En revanche, nous avions un point en commun bien que nous ne travaillions pas exactement pour les mêmes enjeux. J’ai donc pris les trois partis suivants, me tenant à cœur :
- Faire du référencement naturel et répondre à ses critères, c’est rendre une information accessible. L’accessibilité d’une information en ce qui concerne la connaissance, la recherche, le patrimoine, la culture… c’est une responsabilité.
- Ce que nous mettons en ligne aujourd’hui sont les archives de demain. J’en ai parlé lors de mon intervention au Meetup Google Search Central de Paris.
- Avoir connaissance et conscience de la façon dont des contenus s’indexent est un pré-requis indispensable pour toute personne travaillant sur un médium en ligne.
J’ai donc bien entendu établi des bases techniques afin que ces fondamentaux soient compris, en essayant surtout de donner des clefs pour s’y retrouver dans le micmac du SEO. Mais j’ai aussi évoqué les notions de droit à l’oubli, de sécurisation des données, de réputation en ligne, d’archives, d’anonymat… Et parler de cela avec des personnes qui ne sont pas là pour du marketing mercantile, cela a toujours été pour moi un moment précieux afin de remettre mon métier en perspective. Surtout, pour toujours me souvenir qu’il y a des choses bien plus importantes (intéressantes ?) que le fait de ranker sur « parpaing pas cher ».
Aussi, je me suis rendue compte du fait que les personnes faisant du SEO avaient tout de même des compétences très importantes pouvant influencer beaucoup de personnes. J’en ai déjà beaucoup parlé, c’est un de mes sujets de prédilection tant cela m’obsède. Mais publier de la merde et des informations fausses ou non vérifiées, c’est créer de la merde.
Donner des cours à la fac, ça fait quel effet ?
Alors en ce qui me concerne : pas grand chose. Évidemment j’ai parlé du fait que j’intervenais à l’École des chartes (Université Paris Sciences & Lettres). J’ai d’ailleurs quelques yeux impressionnés de temps à autre lorsque je mentionne le nom de l’institution. Quand mon interlocuteur connaît.
Mais il faut aussi remettre les choses à leur place. En tant qu’enseignante vacataire, je n’étais absolument personne. Je ne représente rien dans ce grand établissement de renommée internationale, à l’histoire bicentenaire, et je ne suis même pas une goutte d’eau dans la réalisation de la mission de l’école :
L’École nationale des chartes a pour mission d’assurer la formation de personnels scientifiques des archives et des bibliothèques. Elle concourt à la formation de tous les personnels qui contribuent à la connaissance scientifique et à la mise en valeur du patrimoine national. Elle participe à la formation et à la recherche des étudiants en sciences de l’homme et de la société, particulièrement dans les disciplines relatives à l’étude critique, l’exploitation, la conservation et la communication des sources historiques.
Décret n°87-832 du 8 octobre 1987 relatif à l’Ecole nationale des Chartes
Legifrance.gouv.fr
Alors pourquoi l’ai-je fait ? Pour les passerelles entre les milieux et les métiers. L’École des chartes, et notamment le travail de Thibault, ont des travaux du côté du machine learning, de l’OCR ou encore de la data visualization que la plupart des professionnels du numérique ne peuvent même pas imaginer. C’est une source de connaissances et d’inspiration très appréciée par mon petit cerveau qui s’ennuie vite.
Aussi parce que j’ai une frustration quotidienne et une vraie envie que les contenus sur le Web ne soient pas uniquement des outils de communication ou de marketing. Même si nous disposons des mêmes outils, nous ne sommes pas obligés de les utiliser pour des voies mercantiles. De la même manière, bien que nous puissions avoir des ambitions mercantiles (parce que faut faire bouillir la marmite, eh), cela n’empêche aucunement de prendre le temps de se demander ce que l’on fait. Un pas de côté. Le contenu qui pourrait vous paraître le plus ennuyant dans un domaine d’activité pas passionnant, peut tout de même donner une information utile, vérifiée… et pertinente. C’est pas toujours facile, c’est un petit défi quotidien, mais je trouve cela important.
Pour l’heure, ai-je envie d’enseigner de nouveau ? Je pense que oui.