10 points pour offrir un appareil photo numérique à sa mère technophobe

Maman, 62 ans, a un grand téléviseur cathodique, deux magnétoscopes et trois lecteurs DVD. Les deux magnétoscopes, c’est pour pouvoir copier les vieilles cassettes qui s’abîment et parce que de toute façon mes parents sont des délinquants de l’économie magnétiques. Les lecteurs DVD, là je n’y peux rien. Ils n’ont juste pas compris l’histoire des formats/compressions/encodages… Alors dès que cela ne fonctionne pas, ils en rachètent un. À côté, mes parents possèdent un appareil photo reflex argentique, c’est un Canon Eos Rebel, la top classe. Seulement ils font tout en mode automatique (flou) et dépensent dorénavant une fortune en films pour des photographies de famille dont ils jètent la moitié.
Aujourd’hui maman, j’ai une surprise pour toi. Je t’ai acheté un appareil photo numérique. [N.B : Maman ne lit quasiment pas le français]

Quel type d’appareil ? Question d’usage, question de budget, question d’envie.

Cet objet électronique est un cadeau et je veux surtout qu’il fasse plaisir. Sa principale mission est de permettre à Maman de prendre elle-même en photographie ses petits-enfants ou tout ce dont elle a envie. Au passage, cela peut potentiellement me décharger de la fonction de photographe/caméraman familial afin de pouvoir manger un peu pendant les repas (j’exagère).

Il faut que l’appareil soit léger, simple et transportable. Sans réellement me poser de question, je me suis dirigée vers le rayon des appareils photographiques compact. Je me suis dit que ce serait le plus adapté, car ce sont des modèles qui conservent tout de même la qualité de demeurer basique dans leur fonctionnement. Ce ne sont en effet ni des bridges ni des hybrides, qui demandent une plus grande dextérité numérique.

Oui, un appareil compact sera parfait. Elle pourra le mettre dans sa poche et dans son sac, pour toujours l’emmener sans se sentir encombrée. En plus de cela, si jamais elle a besoin d’aide lorsque je ne suis pas là, il y aura toujours quelqu’un (pas forcément photographe) qui pourra lui expliquer comment s’en servir en cas de doute.

Les accessoires indispensables

Le mieux est peut-être d’opter pour un kit, mais dans tous les cas il était hors de question que je me contente de lui donner un appareil sans accessoire. Le minimum étant de s’assurer qu’une dragonne est fournie pour éviter les chutes accidentelles. De même, si jamais il n’y a pas de housse, achète la immédiatement pour t’épargner d’autres aller-retour en magasin. N’oublions pas que ce jouet va être manipulé par quelqu’un qui appuie fort sur les boutons de télécommande, et qui débranche les appareils lorsqu’ils n’obéissent pas à la télépathie !
Autre point, assurez-vous également qu’il s’agisse bien d’un appareil avec une batterie rechargeable. Sinon, vous vous exposerez à de multiples coups de fils “ça marche pas, c’est lent” alors que la pile alcaline perd seulement de sa puissance.

Ah, et offrir un petit trépied ou un gorillapod est une fausse bonne idée, sauf si tu veux recevoir un appel tard dans la soirée t’indiquant que l’appareil photo est bloqué sur le support.

Trouver un appareil disposant de pictogramme

Maman a du mal avec le numérique. Lorsqu’ils ont acheté un lecteur-enregistreur DVD, ils m’ont demandé combien de temps on pouvait enregistrer sur un DVD de 4 Go. C’est dur d’expliquer les bases à des gens plus âgés et qui savent tout mieux que nous.
En revanche, Maman est une professionnelle de la chaîne hi-fi avec plateau à 5 CDs et de la copie de cassette VHS.
Il lui faut donc un appareil qui fonctionne de la même manière, et avec lequel elle peut communiquer aussi facilement. La solution s’avère être graphique et pratique : le pictogramme.
Assure toi que l’appareil photo dispose de plusieurs boutons chacun relié à un pictogramme qui correspond à une fonction précise. Ainsi les picto “lecture”, “pause” ou encore “poubelle” sont faciles à reconnaître. Les touches directionnelles sont quant à elle parfaitement compréhensibles puisqu’elle rappelle les avances et retour rapides du magnétoscope.

Le moins de boutons possible

Des pictogrammes oui, mais pas trop non plus.
Lorsque j’ai donné à Maman son beau jouet rouge (sa couleur préférée), je lui ai indiqué clairement les boutons qui disposaient des pictogrammes utiles. Pour le reste, tel que le bouton “menu” ou “iso”, je lui ai dit de ne surtout pas y toucher.

S’il y a trop de boutons, Maman peut s’embrouiller. Actuellement, elle confond encore le bouton pour déclencher avec celui du on/off, car ils sont voisins. Je préfère alors limiter l’usage de l’appareil à l’essentiel de ses fonctionnalités pour transformer le petit bijou technologique en une sorte d’instamatic (Kodak) vomisseur de pixels.

Sérieusement, j’ai hésité à lui offrir un appareil pour enfants.

Ne pas trop investir

J’ai peur.
J’ai peur qu’elle le casse, qu’elle le brise, qu’elle le fasse tomber. Non, je ne prends pas Maman pour une débile, mais je suis sa fille et ce n’est peut-être pas pour rien si je suis aussi maladroite. Il faut bien que cela vienne de quelque part !
Je n’ai pas pris l’extension de garantie, en revanche j’ai par conséquent décidé de limiter l’investissement. Non pas parce que Maman ne mérite pas un appareil dernier cri, mais parce que les critères sus-cités font quand même diminuer les tarifs. En outre j’ai tout de même pris la peine de bien lui emballer la facture et la garantie en cas de pépin.

La connexion avec la télévision

Voilà un détail, mais il est pourtant fort utile.
L’appareil que j’ai pris dispose dans son coffret d’un câble permettant de connecter l’appareil à un téléviseur. Après avoir acheté une bonne grosse carte SD – dont la consigne est de ne surtout pas y toucher – j’ai expliqué qu’elle peut brancher l’appareil à son poste de télévision – Oui, comme avec la caméra – et que des numéros s’afficheront avec les photos. Elle pourra alors noter les numéros et choisir celles qu’elle veut garder.

Expliquer le développement photo

Comment faire ? Est-ce que je dois l’informer de l’existence des bornes de développement  ou bien vaut-il mieux la diriger vers un conseiller d’un espace de tirages numériques ? Les deux solutions sont bonnes, mais laquelle est la plus simple et la plus facilement explicables ?
J’ai finalement profité d’une séance de tourisme au E.Leclerc pour présenter à mes parents les bornes et leur montrer l’orifice où on pouvait insérer la carte SD  et celui de l’entrée USB, le même câble qui permet de charger l’appareil photo.
J’ai effectivement choisi un appareil photo où le chargeur était en réalité un câble USB relié à un adaptateur pour limiter le nombre d’accessoires et de câbles différents.

Comme je l’avais prévu, Maman a trouvé ça un peu compliqué et au eu peur de casser l’appareil en le manipulant sans arrêt pour ouvrir le capot, retirer la carte, la réinstaller, fermer le capot… C’est trop dangereux.

J’ai donc indiqué que les numéros des photos étaient très pratiques. Maman, tu peux aller voir le monsieur ou la dame du service de tirages, celui où il y a écrit P H O T O en gros au-dessus. Soit tu lui donnes ton appareil avec les numéros et il t’aidera à la borne, soit il te le fera dans son petit laboratoire. Dans tous les cas, c’est presque comme avant, sauf que tu n’as pas de pellicule où il fallait faire attention en rembobinant pour ne pas déchirer le film, où il fallait s’assurer que tout était rembobiné pour ne pas exposer le film à la lumière, où il ne fallait pas confondre les films entre eux…
Finalement, c’était tout aussi compliqué avant, pourquoi tu m’embêtes ?

Tout régler à l’avance

C’est le principe du vomisseur de pixels clef en main.
L’appareil est chargé, la carte SD est installé, tout est soigneusement emballé dans une belle housse simili cuir qui pue.
Mais surtout, toutes les fonctions de l’appareil sont réglées à l’avance. C’est ainsi que j’ai pu m’en sortir avec l’histoire du temps d’enregistrement sur un DVD. J’avais réglé le lecteur DVD pour qu’il enregistre toujours au même format et de la même manière afin de disposer d’un temps fixe. Enfin ça c’est de la théorie, parce qu’il y a toujours quelqu’un pour passer derrière.

J’ai à peu près fait la même chose avec l’appareil photo de Maman : iso automatique, flash automatique, balance des blancs automatique… tout est automatique. La seule chose à laquelle elle peut toucher : c’est le zoom.

Assumer d’être une hotline pendant plusieurs semaines

Alors là, oui, il faut assumer.
Tu as offert un objet technologique à ta mère qui ne supporte pas que tout soit aussi simple que la bouilloire. Ce genre d’actes a des conséquences fâcheuses et néfastes. Ne sois donc pas étonné de recevoir des coups de fils répétés pour rappeler les bases de l’utilisation de cet appareil. Quel bouton sert à déclencher, est-ce que la poubelle c’est bien pour supprimer, pour voir la photo d’avant on appuie sur le bouton de gauche ou le bouton du haut ?

Cette phase est pénible mais nécessaire, mais elle vaut le coup car d’ici peu tu ne seras plus invité aux fêtes avec la petite phrase “tu amènes ton appareil, hein ?” ou “c’est toi qui va filmer !”.
La rebellion a sonné. Mais la rebellion est longue à mettre en place.

Apprendre la patience à sa mère

Non, ce n’est pas comme le micro-onde, le lave-linge ou la cuisinière. L’électronique moderne a inventé une chose encore incompréhensible par beaucoup de monde : le temps de chargement.
Ce week end, Maman m’a appelée car elle était persuadée d’avoir cassé l’appareil photo. Cela ne fonctionne plus, il ne s’allume plus du tout. Je lui conseille alors de brancher l’appareil. Okay, il est branché, elle raccroche.

6 minutes plus tard, très exactement, mon portable vibre alors que j’étais plongée dans le visionnage fort sérieux d’une vidéo de chat mignon sur Youtube. L’appareil photo ne s’allume toujours pas…

Et bien, attends encore.


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